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Les Sénoufo

La majorité des Sénoufo, qui sont les plus occidentaux des voltaïques, demeurent en Côte d'Ivoire; l'autre moitié se partage entre le Mali et le Burkina Faso. Célèbres pour leur admirable sculpture, les Sénoufo forment l'une des grandes nationalités de l'ancienne Afrique. Le nom de Sénoufo est d'origine Manding, les intéressés s'appelant eux-mêmes syenaon (syenambele au pluriel), d'après leur langue, le syenar.

Dans cette étude, nous généralisons cependant le nom Sénoufo à l’ensemble du peuple, le nom de syenaon n’étant en usage que dans le centre, de Boundiali à Khorogo et Ferké. Dans l’Est et le Sud, chaque ethnie a son nom propre: Pallaka, Tagwana entre Bandama et Nzi, Djimini et Diammala entre Nzi et Comoé. Dans l’Est enfin, près de Bondoukou, on trouve les Nafana, venus au XVII ème siècle prospecter les mines d’or.

Bien qu’il convienne sans doute de chercher leur berceau vers Banfora, les Sénoufo sont établis en Côte d’Ivoire depuis de très nombreux siècles, mais ils ont perdu récemment du terrain au profit des Malinké dans l’Ouest et les Baoulé dans le Sud. Dans les Fodobele, proches d’Odienné, ont tendance à abandonner leur langue au profit du Malinké; les Sénoufo ne paraissent pas avoir fondé d’état avant d’avoir été englobés, au XVIII ème siècle, dans l’empire de Kong. Ils ont ensuite joué un grand rôle parmi les royaumes successeurs, fondant de petites hégémonies guerrières à Mbengué, Niellé, Korhogo et Sinématiali.

Bien que tous les Sénoufo vivent dans le même milieu de savanes hérissées d’inselbergs, avec un climat soudanais de plus en plus sec vers l’Est, leur civilisation présente des diversités importantes. L’occupation de l’espace est très variable; les Sénoufo vivent généralement en villages fortifiés, dans des cases rondes ou ovales, différentes des Malinké, ou dans des maisons à terrasse de type Bambara vers le Nord (Tengréla). Ces villages sont d’importance très inégale; ils sont énormes vers Boundiali où ils peuvent compter plusieurs milliers d’habitants, assez gros vers korhogo ou chez les Tagwana et Nafana, ils deviennent minuscules chez les Nafara, dans la zone de haute densité voisine de Sinématiali, où l’on aboutit finalement à un habitat dispersé couvrant tout le paysage.

Les structures familiales sont remarquablement diverses. La majorité des Sénoufo de Côte d’Ivoire sont en effet organisés en grands lignages matrilinéaires, mais ceux de Boundiali, comme ceux du Mali, sont patrilinéaires, ce que l’on peut attribuer à l’influence Manding si l’autre système est vraiment originel; Ces lignages sont regroupés en villages (kaha) et ceux-ci en « cantons » (tar). Le tar n’est qu’une alliance de villages, ceux-ci constituant l’unité politique de base; car c’est dans leur cadre qu’existent des chefs religieux qui ont tendance à se transformer en rois sacrés à mesure qu’ils requièrent un pouvoir politique. Les Sénoufo, eux-mêmes, ne sont cependant pas allés très loin dans cette voie; leur société leur société n’a pas atteint tout à fait le niveau de l’état, même dans le cadre du village, et reste foncièrement démocratique et égalitaire. Traditionnellement les esclaves y étaient peu nombreux et les castes inconnues. Il est clair qu’ils appartenaient à l’origine à la civilisation paysanne que l’anthropologue Baumann a qualifiée de paléonégritude.

Mais cette organisation a été profondément transformée sous l’influence des Manding, surtout depuis l’empire du Kong, au XVIII ème siècle; des Sénoufo ont créé des royaumes militaires de type Dioula, les esclaves se sont multipliés et l’apparition de noyaux étrangers a généralisé les castes. Cela n’a pas touché tout le domaine Sénoufo, mais l’influence des Manding est partout sensible dans la vie sociale.

C’est dans ce cadre que se réalise l’art admirable des Sénoufo, sculpture sur bois ou fonte à la cire perdue; les masques Sénoufo sont présents dans presque tous les musées du monde.
Les Sénoufo sont des agriculteurs remarquables, cultivant surtout le mil dans le Nord et l’igname dans le Sud, ainsi que le riz et le coton; ils possèdent un cheptel assez important qu’ils confient souvent aux peuls.

L’artisanat, considérable, est parfois le fait de groupes minoritaires, comme les Dioula qui contrôlent une grande partie du tissage.

Dans la religion des Sénoufo, le culte des ancêtres est éclipsé par les grandes sociétés secrètes, qui portent dans leur religion le nom de poron. Ce nom évoque d’anciens contacts oubliés avec les Mandé du Sud et leur poro, mais récemment des sociétés ont à leur tour influencé le lo des Malinké; au niveau du village, toute la société Sénoufo est contrôlée par le poron, qui assure sa reproduction sous le contrôle des initiés âgés.

Le commerce qui est intense depuis des siècles, est le monopole de la minorité Dioula, qui vit au contact des cultivateurs et participait jadis au poron; en revanche, elle exploitait assez rudement les paysans, et s’efforçait finalement de confisquer le pouvoir politique. La présence des Dioula est particulièrement forte chez les Djimini et les Djammala, ceux-ci tendant même à abandonner leur langue pour la leur; elle est par contre particulièrement faible chez les Tagwana et les Pallaka. Ceux-ci, qui parlent un dialecte très particulier, sont des Sénoufo particulièrement conservateurs et réfractaires aux influences des Dioula qu’ils ont combattus par les armes plus d’un siècle avant la colonisation.

Sources et Documentations : I.L.A – Institut de linguistique appliquée

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