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Kinyankpli ou fôdomvlôm

Kinyankpli ou le « grand tambour » est constitué par un tronc d'arbre débarrassé de son écorce et évidé de part en part, de façon à ne plus former qu'un cylindre creux, dont l'une des extrémités est recouverte d'une peau. Ces tambours sont donc de forme tubulaire. La surface de leur caisse de résonance est généralement unie, ou bien garnie de quelques sculptures.

La peau est tendue par des ficelles passant sous des tenons enfoncés dans la caisse. Afin de tendre la membrane, le musicien enfonce davantage les tenons à l’aide d’un maillet ou d’une pierre. Il est frappé soit avec deux fines baguettes soit avec deux baguettes recourbées, taillées dans le bois èfima (Microdesmis puberula) (20) Son emploi est toujours réservé à un spécialiste désigné par le chef et instruit au préalable dans cet art. Selon nos informateurs, le Kinyankpli est joué exclusivement par les gens de la cour royale ahinvié. Mais pour toute personne extérieure à la cour, il faut une autorisation expresse du roi ou du chef.

Le Kinyankpli est imposant par sa taille et par sa forme. Placés en position incline dans la cour des chefs traditionnels ou tenus en équilibre par des tuteurs auxquels ils sont attachés, de tels instruments n’interviennent pas dans les représentations musicales, mais servent, presque exclusivement à lancer des appels sonores à la population, ou aux seuls notables de la cour, pour annoncer l’arrivée d’un visiteur d’importance, le décès d’un notable, l’ouverture de grandes festivités, la déclaration de guerre, etc. Ils donnent aussi le signal d’alarme quand survient un événement important ou inhabituel. Parmi un ensemble d’instruments, il donne le rythme et est, en outre, chargé d’enrichir la sonorité d’ensemble au moyen d’un maximum de variantes rythmiques.

Le son est d’habitude émis par le battement d’une unique membrane constituée d’une peau d’oreille d’éléphant (Loxodonta africana). Autrefois, semble-t- il on utilisait d’autres types de peau.

à ce sujet, K. K. François (21) note au sujet du Kinyankpli du village de Mménou (22) que « dans le passé, on recouvrait le Kinyankpli avec une peau humaine (esclave). Aujourd’hui, cette pratique ayant été abandonnée, on utilise la peau de l’akatia le chimpanzé, c’est-à-dire l’animal le plus proche de l’homme. »

Ces tambours sont sculptés au Ghana ou dans la région du Moronou où se trouvent les meilleurs facteurs. Les bois utilisés pour sculpter ces tambours sont l’éhouné (Aningueria robusta) ou doufrè. Le professeur Niangoran-Bouah (1989 : 186) avance « qu’en principe, tout tambour digne de ce nom, avant son utilisation officielle, est soumis à un rituel de sacralisation par le sacrifice et l’offrande d’un animal domestique aux divinités, aux génies et aux mânes des ancêtres tambourinaires défunts. On égorge l’animal en faisant en sorte que son sang coule directement sur la caisse de résonance de l’instrument. »
Le texte tambouriné baoulé, cité par le même auteur, concernant la sacralisation du premier tambour de l’histoire des Akan, précise :

Boa,
Dieu Ciel !
Boa
Déesse Terre
Boa a sculpté
Un tambour chef-d’oeuvre.
Pour le récompenser, il fut, contre toute attente, décapité et c’est avec son propre sang que le rituel de sacralisation fut, comme de coutume, accompli.
Dieu Ciel et Déesse Terre,
Penchez-vous sur son cas
Et rendez-lui justice.
Le sang humain, dit-on, n’était autrefois utilise que pour les tambours de guerre et les tambours d’état.

Le Kinyankpli se fait entendre tantôt seul (annonce de la mort d’un parent du roi), tantôt au milieu d’un véritable orchestre composé d’autres tambours (funérailles dans la famille royale, fête de l’igname).

Chez les Akan, le roi lui-même, dans une cérémonie publique avant de s’asseoir sur un trône, vient saluer et embrasser le tambour d’état. En période de conflit armé, le grand tambour est aussi protégé que la personne du roi. Si d’aventure ce tambour tombe entre les mains des ennemis, théoriquement, le roi, l’état et la nation deviennent des vassaux des détenteurs des trophées de guerre. Les traditions orales des Akan relatent des épisodes de tambours capturés au cours de batailles ou offerts comme présents. Si un condamné à mort réussit à toucher le tambour d’état quelques temps avant le jour fatidique, sa peine et son exécution sont remises à jamais (Niangoran-Bouah, 1987 : 143).

Au cours de son intronisation, le nouveau chef doit assurer les anciens de la communauté qu’il suivra les traces de ses prédécesseurs et qu’il sera un guide fort et intrépide, en le jurant solennellement aussi bien à la personne qui préside la cérémonie qu’aux tambours et aux joueurs du tambour Kinyankpli.

Les grands tambours de Niablé et de Bokakokoré sont appelés fôdomvlôm. Cette appellation serait peut-être un emprunt à leurs voisins Ashanti et Denkyira du Ghana qui nomment ces mêmes tambours fontonfrom. Ces tambours sont joués, dresses verticalement sur le sol et battus avec deux baguettes recourbées. Le cylindre élancé de celui de Bokakokoré, est peint et artistiquement souligné par des motifs décoratifs gravés et exécutés en relief. Des souvenirs historiques ont été exploités par le sculpteur qui semble se plaire notamment dans les scènes de guerre et de sacrifices humains (tête tranchée, sabre, coutelas). L’orchestre porte aussi le nom de Kinyankpli (grand tambour) qui en est l’instrument principal.

Concernant l’origine historique du Kinyankpli, nos informateurs le situent dans l’actuel Ghana. Cette information est confirmée par G. Fillassier cité par C. H. Perrot (23) : « Remontant à l’époque où malmenés et chassés par Apoku Ware, ils durent, sous le règne d’Ano Assema quitter Annuanuan, ils racontent que certains chefs emportèrent, avec l’assentiment du roi de Kumassi, un tamtam coupé dans le même tronc d’arbre que celui de ce village, et que c’est là un signe indiscutable de commandement. Il semble que ce soient les chefs de Bettie, Sahue, Abradine, Zaranou et Krinjabo qui aient bénéficié de cette faveur. Ces tambours nommés « kinie kpri » sont encore actuellement l’objet d’une grande vénération. »

Dans le Ndenye, l’acquisition d’un Kinyankpli ne semble pas aussi institutionnalisée que celle des bia (sièges royaux), ni dépendre d’une instance supérieure, bien qu’un contrôle de la part des chefs qui en étaient détenteurs ait dû se faire sentir, puisque leur exemple ne fut pas suivi. Depuis la conquête coloniale, le nombre des Kinyankpli s’est accru, entraînant leur relative dépréciation. Se pourvoir d’un Kinyankpli était pour une chefferie le moyen de gravir un échelon de la hiérarchie politique (24). Selon le même auteur une telle auto- ascension était favorisée par le laxisme dont faisait preuve l’ordre colonial à cet égard. Les initiatives des chefs de Yakassé et d’Aniassué furent mal accueillies par celui des Ndenye : dans un geste de colère, Amoakon Dihye II, roi des Ndenye (de 1896 à 1960) cassa les Kinyankpli de Yakassé et d’Aniassué, car ces chefs avaient fait prevue d’insolence aponema, ils avaient voulu rivaliser avec lui. Les autres Kinyankpli du Ndenye datent vraisemblablement du début de l’époque coloniale (fin xixe siècle).

La musique du Kinyankpli ne possède pas un répertoire de chants. Pendant la séance, on entend plutôt des vocalises et des interjections émises par les pratiquants qui jouent sur la place publique (25).

Dansé pieds nus (excepté pour le roi et les chefs de canton), avec des gestes symboliques, le Kinyankpli n’est pas accessible à tous, du moins en certaines de ses parties. C’est une danse essentiellement nobiliaire.

Selon le rythme << et les changements de rythme sont soudains << seule une catégorie définie de gens pouvait y participer. Chacun ne tardait donc pas à savoir jusqu'où il pouvait aller, quelles limites son statut social lui interdisait de franchir, tant les rappels à l'ordre étaient vifs s'il était tenté de le faire (26). Perrot (27) donne une description détaillée de cette danse lors d'une cérémonie d'intronisation à Zinzenou : « Adou Beseré (danseur) demande au roi la permission de danser, mettant le dos de la main droite dans la paume de la main gauche en faisant le tour de l'assemblée ; puis il fait le geste de couper les têtes, à droite et à gauche, ce qui signifie « vous tous qui êtes là, sauf le roi, on peut tous vous couper la tête » ; autre geste : de l'index et du majeur de la main droite, il touche la mâchoire supérieure comme s'il se perçait les joues d'un invisible sapo (poignard), ce qui veut dire « toute vie humaine dépend du roi ». Le tambour interroge le danseur : kolokolon sonan, è fi ni ? « homme de bonne famille, d'où viens-tu ? ». Pour toute réponse, il va s'adosser au Kinyankpli, tout le monde comprend alors qu'il sort d'une cour royale ; « on sait qui il est ». Autrefois malheur à celui qui ne comprenait pas la question ou ignorait la réponse : « un adoumou (bourreau) allait l'héberger (adoumou o ko siké yé) ou bien « on allait lui faire traverser l'eau » (bè kpè assüé), le sens des deux expressions étant identique. La reine dit : « je suis la reine, tous sont dans ma main » et, elle ferme les poings en dansant. Un autre de ses gestes signifie : « celui qui est sur le trône et vous tous, vous êtes sortis de mon ventre ». Un famyenba s'agenouille devant le roi, sur le genou droit ; un éhénénana fait avec les deux mains le geste de supporter le Kinyankpli sur la tête (« car Kinyankpli est pour lui ») puis d'écarter tout le monde, ce qui veut dire : yè dio ( « tout cela est pour nous »). à certains moments, le rythme l'indique, la danse s'ouvre à tous. Autrefois, cela signifiait qu' « un homme avait été hébergé par les adoumou ». Puis un soudain changement de rythme indique qu'à nouveau la danse est réservée aux fils de roi et aux princes. » Pour les Agni, un prince ne sachant pas danser Kinyankpli, ignorant de ses pas et de ses symboliques, est indigne de régner. « Ce n'est qu'un homme de rien, un akoa (esclave) qui mènerait le royaume à sa perte (28) ». Pendant la fête des ignames, si le roi danse Kinyankpli, sans quitter pour autant ses sandales, les gestes qu'il fait sont lourds de sens : « quand le roi danse personne ne peut aller l'embrasser ». Tout le monde lève les bras au ciel. Il est au milieu, on ne l'approche pas. D'autres plus loin dansent. On essaie de le calmer : blè blè o, « doucement, doucement » (pour qu'il n'y aille pas trop fort), wodiao, wodiao, né plè na plio, « tout est à toi, tout est à toi, ne discute pas ». Le danseur doit connaître le statut des personnes présentes. Perrot (29) relève dans les lignes qui suivent un incident survenu lors de la fête de l'igname à Yakassé (en 1965) : « Une longue contestation éclata parce qu'un dihyè de Yakassé, est passé en dansant devant un chef de village voisin sans le saluer par les gestes que requérait le rang de dihyè que celuici estimait avoir. La controverse que celui-ci provoqua, se considérant comme lésé, en s'exprimant par allusions et proverbes, dura plus d'une heure. Il fallut toute l'éloquence des porte-cannes pour l'apaiser. » Source: La vie musicale chez les Agni-N'dénéan de Konin AKA

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