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Germain Koffi Gadeau (1913 – 2000)

Germain Coffi Gadeau était un écrivain et homme politique de Côte d'Ivoire, auteur de pièces de théâtre, né vers 1913 à Bomizambo, près de Yamoussoukro, et mort le 18 août 2000.

Élu membre du bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire lors du congrès de 1947, il devient ministre de l’Intérieur en 1959.

En janvier 1963, il est emprisonné à la prison spéciale Assabou à Yamoussoukro, construite pour accueillir les « comploteurs » désignés par le président Félix Houphouët-Boigny. Au cours du procès tenu à Yamoussoukro faisant suite aux « faux complots », la Cour de sûreté de l’État juge 96 inculpés, dont Ernest Boka (mort sans explication), Charles Bauza Donwahi, Amadou Koné (fondateur des JRDA-PDCI), le ministre de l’éducation Joachim Bony, celui de l’Information, Amadou Thiam, les ministres Jean Konan Banny et Tidiane Dem et prononce six condamnations à mort.

Germain Coffi Gadeau est réhabilité par Houphouët-Boigny en 1971 et devient grand chancelier de l’Ordre national de Côte d’Ivoire.

Pièces de théâtre

1939 : Kondé Yao
1942 : Mon Mari
1942 : Les recrutés de monsieur Maurice
1954 : Ya-ou Nda
1963 : Adjo-bla

L’homme

Coffi Gadeau est incontestablement le plus connu (en Côte d’Ivoire) des trois membres fondateurs des Théâtres Indigène et Populaire. Sa popularité ne repose cependant ni sur la quantité ni sur la qualité de ses oeuvres ; alors qu’Amon d’Aby et surtout Dadié s’essaient à des formes littéraires autres que théâtrales, Coffi Gadeau reste exclusivement un dramaturge. De Coffi Gadeau nous connaissons en tout et pour tout huit pièces de théâtre dont la moitié inédite. En vérité, pour la majorité des Ivoiriens, dont la plupart ignore qu’il ait jamais écrit une pièce, Coffi Gadeau est simplement l’une des personnalités les plus influentes de la vie politique ivoirienne.

Germain Coffi Gadeau est né vers 1913 à Gbomizambo dans le centre de la Côte d’Ivoire. A sa sortie de l’Ecole William Ponty (section administration) en 1935, il est nommé comptable des Trésoreries, fonction qu’il exercera pendant vingt ans. En 1955 il cumule les fonctions de président de la Commission des finances de l’Assemblée Territoriale, de conseiller territorial de Bouaké (la seconde ville ivoirienne) et de député. Cinq ans plus tard, il est nommé ministre de l’Intérieur de la Côte d’Ivoire indépendante. Mais cette ascension politique va connaître en 1963 (date de sa dernière oeuvre) un grave accident de parcours. Cette année-là, il se trouve impliqué dans une étrange affaire de complot (que d’aucuns disent imaginaire) contre le président de la République et emprisonné.

La traversée du désert dure jusqu’en 1971 où, réhabilité, il est nommé (par le même président qu’il aurait tenté de renverser) ministre d’Etat sans portefeuille, puis Grand Chancelier. Germain Coffi Gadeau s’est éteint le 8 août 2000.

Au vu de ce parcours politique, les quatre oeuvres éditées font évidemment piètre figure. Pourtant dans les milieux théâtraux, l’homme est très estimé, à tel point qu’ils l’ont longtemps souhaité comme ministre de la culture ; contrairement à Amon d’Aby et Dadié, Gadeau n’a pas fait qu’écrire, il était également comédien. Comme Molière qu’il considère comme un maître, Gadeau jouait lui-même ses pièces. Certes Dadié a été le régisseur et le metteur en scène du Théâtre Populaire, mais parce qu’il est monté sur les planches, sur l’échafaud pour reprendre l’expression -ô combien métaphorique – du Moyen Âge français, Gadeau appartient vraiment à « la maison », et jouit par conséquent d’une réputation d’homme de terrain. En outre, des trois il est le seul à avoir subi les foudres de la censure coloniale en 1942 avec Les Recrutés de Monsieur Maurice (inédite) rebaptisée plus tard Le Chant du retour.

L’oeuvre

L’oeuvre de Coffi Gadeau s’étale sur une période allant de 1939 à 1963. Il est presque exclusivement un auteur du Théâtre Indigène ; sur huit pièces, six dont les deux plus populaires, Kondé Yao et surtout Mon Mari encore plus connue que Monsieur Thôgô-gnini, étaient destinées au Théâtre Indigène : Kondé Yao (1939), Nos Femmes (1940, inédite, inspirée des Précieuses ridicules de Molière), Mon Mari (1942), Les Recrutés de Monsieur Maurice (1942, inédite), Les Anciens Combattants (1942, inédite), Le Mariage de Sogona (1943, inédite). On remarquera qu’en plein Théâtre Indigène plus tourné vers les drames historiques comme Assémien Déhylé, L’Entrevue de Bondoukou ou La Princesse Alloua, Gadeau écrit des pièces plutôt comiques : Kondé Yao, d’inspiration historique est une comédie dramatique.

A partir de 1943, on constate dans la carrière théâtrale de Gadeau, ce même « creux » évoqué à propos d’Amon d’Aby, et qui correspond à son entrée au R.D.A. en lutte pour l’Indépendance. Ce vide dure douze ans, jusqu’en 1954 où il écrit Ya-ou Nda après la création du Théâtre Populaire.

Après Ya-ou Nda, Gadeau prend à nouveau quelque distance avec le théâtre. Désenchantement ? Toujours est-il que la Côte d’Ivoire du début des années 50, malgré ses luttes, ressemble beaucoup à celle du début des années 40 ; le pouvoir colonial est plus fort qu’avant et Amon d’Aby a été nommé Secrétaire Général du tout nouveau Cercle Culturel et Folklorique… La censure s’est renforcée. Certains camarades de lutte sont même passés à l’ennemi et les chefs vivent dans la clandestinité. Ya-ou Nda porte manifestement les stigmates de cette époque ; Gadeau a perdu sa verve moliéresque des années 40, et la pièce est marquée par la stérilité féminine, l’impuissance masculine, le divorce, un accouchement difficile…

Neuf ans après Ya-ou Nda, Gadeau est nommé ministre de l’Intérieur. Désormais installé là même où se décide la censure, il peut recommencer à écrire en toute quiétude… Il écrit en 1963 Adjo-bla. Mais cette année-là, il connaît la disgrâce politique que nous évoquions. Gadeau n’écrira plus. Adjo-bla est sa pièce la plus sombre ; malgré les thèmes évoqués, Ya-ou Nda restait une comédie. Dans Adjo-bla en revanche, on ne rit jamais. La pièce est une tragédie absolue, celle d’une femme, Adjo, accusée d’une dizaine de meurtres… par sorcellerie. La tragédie c’est qu’elle est effectivement une sorcière… d’après la pièce. Il s’agit par ailleurs d’une pièce relativement mal structurée, tournant sur elle-même et se contentant d’égrener, sans preuve, les « crimes » d’Adjo. Structurellement redondante et idéologiquement tautologique, Adjo-bla est le signe, après Ya-ou Nda, que les années de militantisme et les désillusions de la politique ont brisé quelque chose dans le dramaturge Gadeau.

Malgré ces deux dernières pièces, du reste inconnues du grand public, Coffi Gadeau reste pour les amateurs de théâtre, le plus comique des écrivains ivoiriens.

Source: africultures.com

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