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Les Manding

On emploie le nom conventionnel de Manding pour désigner l'ensemble Malinké-Bambara-Dioula qui constitue le noyau du monde Mandé. Il n'ya pas ici trois langues, ni trois peuples, mais un seul ethnique dont l'unité est remarquable, en dépit de différences regionales qui sont naturelles si l'on considère l'immense espace occupé de la Casamance à l'Ouest voltaïque, et du sahel aux rives du Bandama.

Le développement de ce grand peuple est lié à l’empire médiéval du Mali, si bien que son berceau ne se trouve pas sur le territoire ivoirien, où certains de ses éléments se sont cependant installés très tôt.

L’opposition entre Malinké et Bambara est presque uniquement d’ordre dialectal et comme ceux-ci n’apparaissent en Côte d’Ivoire que dans quelques villages entre Odienné et Tengrela.
Les Dioula posent des problèmes bien plus complexes. Dans le monde Manding proprement dit, c’est-à-dire à l’ouest de la frontière linguistique des Sénoufo, il désigne simplement, depuis des siècles, le groupe professionnel des commerçants. Plus à l’est, c’est-à-dire dans le monde voltaïque, il désigne la minorité commerçante, musulmane et parfois guerrière, que la langue et la culture manding isolent de la masse paysanne animiste.

C’est aussi chez eux que l’on rencontre quelques îlots attestant l’existence d’une vague Manding plus ancienne comme les Hwela, Ligbi et Noumou.

Les Malinké

Les Malinké et Bambara occupent l’extrémité nord-ouest de la Côte-d’Ivoire et aussi, plus au sud, une large bande s’étendant jusqu’au Bandama. Il faut leur rattacher les Foula; ceux-ci sont des éléments d’origine peule, comme l’attestent leurs noms de clan et leur amour du bétail, mais ils sont fondus depuis des siècles parmi les paysans Bambara, dont ils parlent exclusivement la langue et dont ils partagent la culture.

Cette région a été initialement peuplée par des Sénoufo dans le Nord, des Kweni (Gouro) et des Dan dans le Sud. Elle a été traversée très tôt par des routes méridiennes allant des pays producteurs de kola, dans le Sud, vers le Niger où les noix sont consommées. Au plus tard du XVI ème siècle des Dyomandé, ou Kamara, clan dominant du Konyan (Beyla, Guinée) occupent le Maou, actuel pays de Touba, où les Dan sont assimilés ou réduits à l’état d’îlots. Le Toron, proche de Kankan, étend ses frontières jusqu’à la région d’Odienné, d’où les Sénoufo seront définitivement expulsés au XVII ème siècle par le royaume Bambara du Nafana. établissant un contrôle sur les marchés de kola frontaliers des Kweni, les Malinkés traversent le Sassandra vers 1.600, colonisant le Ouorodougou (« pays de kola) de Séguéla et le Koyara de Mankono. Ils fondent alors le vieux centre de Boron et, des lignages Dioula venus de l’Est absorbent des Sénoufo autochtones pour donner naissance au Koro.

Les nyamana (kafu) ou royaumes ainsi créés sont partout animistes, bien que l’élément dioula et musulman y joue un grand rôle; cette situation change vers 1845 quand le Nafana cède la place au royaume musulman des Touré d’Odienné, le Kabadougou ou Kbasarana. Celui-ci annonce déjà la révolution dioula de Samori à laquelle il se ralliera en 1881.

Les Malinké se sont donc moulés autour de la masse résistante des Sénoufo, tout en s’étendant au maximum le long de la frange forestière, dans la zone des marchés courtiers de kola.

Malinké est la francisation du nom Maninka, qui a été reservé sur la carte aux habitants de la région d’Odienné. Dans cette région, la langue est presque identique à celle du Konyan, et très proche de celle de Kankan (Guinée), diffusée depuis des siècles par les voyages des Dioula. Plus au Sud, les Malinké du Maou, du Ouorodougou et du Koyara, parlent au contraire des dialectes très particuliers et moins faciles à comprendre. Le Koro emploie le parler des Dioula historiques, ceux du Kong.

Tous ces Malinké occupent une zone de hauts plateaux parsémés d’inselbergs et même, d’Odienné à Touba, de vraies chaînes de montagnes. Le climat est partout assez pluvieux, de type nettement soudanais vers Odienné, il tend vers Séguéla au type Baoulé, avec deux saisons de pluies. Le peuplement était généralement faible, de 5 à 10 au Km², un peu plus vers la frange de la forêt; Les malinké vivent généralement concentrés en gros villages, jadis entourés d’une fortification de terre, le dying. Leurs maisons sont des cases classiques rondes classiques, les constructions à terrasse de type Bambara n’apparaissant l’extrême nord. Par contre les mosquées sont presques toujours des constructions en banco de type Soudanais.

Les Malinké, comme tous les Mading, sont organisés en gros lignages (lu patrilinéaires, unis par des mariages patrilocaux et polygamiques. Ces lignages se regroupent en clans (dyamou) dispersés dans l’espace. Plusieurs lignages forment un village (dougou) et plusieurs villages, un nyamana ou kafou, nom que les Français ont traduit par canton; C’est l’unité politique traditionnelle et nullement le village.

Les nyamana sont souvent regroupés en royaumes stables, ou en hégémonies éphémères, sous le commandement d’un « faama », tandisque le chef traditionnel d’un nyamana est un « mansa », titre que portait au moyen âge l’empereur du Mali.

La société Malinké n’est donc pas une société égalitaire et sans état; une certaine démocratie règne au niveau du village et même du nyamana, mais nous avons affaire ici à une société de tradition monarchique, divisée en groupes sociaux hiérarchisés et en castes; celles-ci définissant avant tout certains artisans comme les forgerons, les teinturiers et les griots, mais d’autres, comme les tisserands, ne sont pas castés.

Les esclaves étaient très nombreux, formant souvent du tiers à la moitié de la population. Ajoutons à cela une organisation militaire forte, fondée sur la garde du faama, renforcée en cas d’urgence par une levée de la population dans le cadre d’un système de classes d’âge.

La religion des Mading reposait sur le culte des ancêtres et surtout sur des grandes sociétés secrètes, régissant notamment l’initiation, et évoquant les esprits de la nature, qui prennent généralement le nom de lo. L’islam était reservé aux commerçants et aux marabouts, d’ailleurs parfaitement intégrés à la société globale animiste. Les Dioula participaient d’ailleurs souvent au lo, sans être génés par cette dualité religieuse. Jusqu’au XIX ème siècle, les animistes détenaient le monopole de la vie politique et militaire; le passage à l’islam de la majorité des Malinké est un phénomène récent, amorcé du temps de Samori, et généralisé seulement du fait des bouleversements que la colonisation a provoqués àprès la seconde guerre mondiale.

Les Malinké sont des agriculteurs de savane, cultivant avant tout le mil et le riz, et en second lieu le manioc, qui l’emporte nettement ici sur l’igname. Le coton necessaire aux tisserands était très répandu; l’élevage est important, surtout chez les Foula; la pêche était secondire, mais la chasse jouait un rôle majeur : elle était le fait des donzo, organisés en associations (ton), et dont l’importance militaire était capitale.

L’artisanat, en partie casté, était nombreux et actif; le fer était extrait partout où cela était possible et exporté vers les pays de la forêt. Les pays Malinké étaient le théâtre d’une activité commerciale intense, due aux Dioula, toujours en mouvement, particulièrement sur la frange forestière où se pressaient les marchés de kola; de gros marchés hebdomadaires marquaient toute la vie sociale.

Les Dioula et leurs précurseurs

Considérons à présent le nom dioula dans le sens qu’il prend en terre voltaïque : celui d’une minorité culturelle de langue manding, opposée à la masse du paysannat animiste, et spécialisée dans le commerce et le maraboutage, quand elle ne prend pas le pouvoir par la force. Les vrais Dioula sont alors ceux du Kong, qui ont conquis au début du XVIII ème siècle un vaste empire allant du Moyen-Niger à l’Ano, par Bobo-dioulasso et Kong; le parler du Kong a été longtemps considéré comme la seule vraie langue des Dioula.

Ce nom apris un troisième sens à l’époque coloniale : il sert alors à désigner les personnes, manding ou non, originaires du Nord, qui ont occupé en masse les villes et les plantations de la forêt. Ainsi est apparu un nouveau parler manding, plus proche de l’Odienné que du Kong, mais qu’on désigne sous le nom de Dioula.

Dans tout le domaine voltaïque où l’on trouve les Dioula,on rencontre quelques îlots de population parlant des langues proches du manding, dont elles paraissent être une forme archaïque; tels sont les Ligbi et Hwela, surtout vers Bondougou, ou les Noumou (forgerons) et Dyeli à travers tout le domaine Sénoufo. Ces groupes résiduels témoignent de la première migration des commerçants du Niger en quête de mines d’or de l’Akan; leur venue doit remonter au moins XIV ème siècle, et leur vieille métropole, Begho, actuellement au Ghana, n’a été remplacée par Bondoukou qu’au début du XVIII ème siècle.

Les Dioula eux-mêmes se rencontrent partout en quartiers ou en villages isolés; ils occupent en masse quelques viles comme Bondoukou, Bouna, ou Satama dans le Diammala. La seule région où ils tiennent un territoire continu, leur langue s’étant substituée aux parlers anciens, est celle qui entoure Kong, la seule capitale de l’empire des Wattara. Il est difficile de dénombrer les Dioula de la zone voltaïque de la Côte-d’Ivoire.

L’organisation sociale et culturelle des Dioula est presque identique à celle de Malinké musulmans, car ils sont tous ralliés à l’Islam au superficiellement, même quand ils pratiquent en même temps les cultures animistes de leurs voisins. Médiocres agriculteurs, ce sont de grands commerçants et d’excellents artisans, maîtres notamment du tissage dont les produits de monnaie. Ils ont réussi à exclure les autochtones du commerce à moyenne et longue distance, mais ils forment un groupe ouvert, disposé à absorber tous les individus acceptant sa culture. Dans le cadre de l’empire de Kong, ils fournissent en outre depuis le XVIII ème siècle l’autocratie militaire et politique.

Sources et Documentations : I.L.A – Institut de linguistique appliquée

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