Le Musée Charles A. Combes
Un richissime patrimoine culturel jeté aux orties Patrimoine culturel méconnu du public, le Musée Charles Alphonse Combes de Bingerville reste un monument assez éclectique à découvrir. Un trésor inestimable de la culture ivoirienne y sommeille, malheureusement, au grand dam des amateurs d'Art contemporain. (Reportage).
Un décor atypique…
Au milieu des ronces et chiendents, gît le Musée Charles Alphonse Combes. Les bâtiments contigus sont dégarnis par l’usure du temps. Le bâtiment principal avec une architecture coloniale, quant à lui, sert de siège à l’administration du Musée. Les deux (2) bâtiments disposés en bande ont visiblement payé rubis sur ongle le poids de l’histoire. Des gravures placardées sur le muret du deuxième bâtiment. Les fleurs, la verdure, les orgueils de chine correctement taillés et la pelouse soigneusement tondue renseignent sur l’effort consenti par le maître de céans – le directeur Lerro Jean-Baptiste – de redonner vie à cet espace quelque peu dans l’agonie. A l’entrée de l’établissement, une statue qui retrace la souffrance d’un paysan à la tâche au cours des pénibles travaux champêtres, forge la pensée heuristique de tout amateur d’Art contemporain.
Le C.T.A.A, un don de Maître Charles Alphonse Combes
Le centre technique des arts appliqués de Bingerville (C.T.A.A) et du Musée Charles Alphonse Combes. Il est situé au quartier Porquet. Délimité au Nord par le quartier résidentiel, à l’Est par le quartier Bagba, puis, au Sud par la lagune et à l’Ouest par le quartier précaire – « Sans loi ». Le CTA (Centre technique des arts appliqués) a été créé en 1937 par le français Maître Charles Alphonse Combes. Le centre fut au départ un atelier d’art privé. Puis, en 1958, Maître Charles Alphonse Combes décide de changer délibérément le statut de son officine en le transformant en école des arts appliqués. Selon les responsables, le CTA est réputé être la première école d’art en Côte d’Ivoire. Car, l’école des Beaux arts d’Abidjan ne date que de 1962. Le CTA a été une « succursale »de l’actuel Insaac (Institut supérieur des arts et de l’action culturelle). À cette époque-là, le CTA ne formait qu’en sculpture. Et donc, les étudiants inscrits en sculpture à l’Insaac venaient se faire former en pratique au centre technique des arts appliqués (CTA). En 1968, Maître Charles Alphonse Combes décède. Les autorités ivoiriennes décident donc en 1975 de la création d’un musée à l’intérieur de l’établissement. Le bâtiment principal bâti en 1905 abrite désormais les deux entités que sont l’administration de l’école et le Musée Charles Alphonse Combes. Il représentait le logement du sculpteur français. Il a, par ailleurs, servi de dortoir aux premiers pensionnaires de l’école au nombre desquels Dogo Yao Célestin (ancien directeur des Beaux Arts), Kablan Kan Denis, le peintre Samir Stenka. La bâtisse opposée au bâtiment principal, lui, a été construit en 1937. En 1994, l’école va changer de nomination. Elle va prendre désormais le nom de Centre technique des arts appliqués de Bingerville et du Musée Charles Alphonse Combes. Ce sont donc les structures réunies qui forment le Centre technique des arts appliqués (C.T.A.A).
Le C.T.A.A, un don de Me Charles A. Combes à l’Etat ivoirien
Le Centre technique des arts appliqués (C.T.A.A) de Bingerville est un don de Maître Charles A. Combes à l’Etat ivoirien. Il est bâti sur une superficie d’un hectare et 85 ares (1,85 ha) et se compose d’une administration chapeautée par un directeur, assisté d’un inspecteur d’éducation, de deux (2) éducateurs, d’une secrétaire et un assistant conservateur de musée. Le corps professoral compte une trentaine d’enseignants qui dispensent des cours d’environ dix (10) spécialités : les arts graphiques, la Mosaïque, la sculpture, la tapisserie, le staff, l’expression picturale, le textile, le baltique, le design d’objet et la décoration de l’intérieur (en expérimentation). Du point de vue administratif, le C.T.A.A est rattaché au cabinet du ministère de la culture et de la Francophonie (ministère de tutelle) et géré par la direction de la formation des arts et de la culture (Dfac).
Le Musée Charles A. Combes pour l’Art contemporain
Il est singulièrement réservé aux pièces ayant appartenu à Maître Charles A. Combes (exposition permanente). Et aussi, celles ayant été réalisées par les élèves de celui-ci. Dans le second bâtiment, les travaux qui y sont exposés appartiennent uniquement aux étudiants du C.T.A.A (exposition temporelle). Cela pour dire que l’école est partie d’un atelier de sculpture pour arriver à une formation pluridisciplinaire. Les œuvres du Musée datent de la création de l’école en 1937 et jusqu’à la mort de Maître Charles A. Combes en 1975. Dans l’exposition permanente, y est trônée une pièce du sculpteur français. Il s’agit de la pièce dénommée : « Le cri du nègre ». Cette sculpture a été réalisée en pierre reconstituée (ciment). Le Musée Charles A. Combes compte au total 91 pièces composés de tableaux et de sculptures. Les pièces sculptées sont réalisées avec du matériel en bois, en pierre reconstituée (ciment) et en plâtre. L’un des particularités dudit musée réside dans le fait qu’il est installé dans une école des Beaux Arts. En outre, toutes les pièces qui sont conservés dans cet espèce « sacrosaint »ont été en partie réalisées par les élèves du centre de formation. Elles datent pour la plupart de 1958. Ensuite, la 3ème particularité consacre le fondement de l’atelier Charles A. Combes qui est un musée d’art contemporain. C’est-à-dire que les ouvrages qui sont affichés, ne sont pas des œuvres ethnographiques, comme au Musée des civilisations d’Abidjan. Selon Koné Lacina, assistant conservateur au Musée Charles Alphonse Combes, il n’y a pas de problème de conservation. A l’en croire, les œuvres ont été réalisées avec une essence de bois appelée « Tali ». Plus connu sous l’appellation de « bois de fer ». Les qualités de ce support sont la densité et la résistance. Car, cette essence de bois constitue un puissant insecticide naturel contre les incestes. En revanche, dira-t-il, il est difficile de déplacer les œuvres pour des expositions temporaires. « La plupart des objets nous reviennent avec quelques dégâts « mineurs »liés au transport. Nous remarquons qu’il y a des parties brisées ou égratignées. C’est souvent ce qui pose problème », a déploré l’assistant conservateur de musée. Pour endiguer le phénomène du pillage des objets muséologiques, Koné Lacina a fait savoir: « A notre niveau, on fait ce qu’on peut pour assurer la protection des objets. Le centre a à sa disposition des vigiles. Nous ne disposons pas de grands moyens comme c’est le cas dans les pays développés». Non sans préciser qu’il est possible de les retrouver une fois volés. « Oui ! Une fois volés, les objets peuvent être retrouvés parce qu’ils sont catalogués. Dès que nous constatons que les objets ont été volés, nous saisissons l’Agence Interpol ». Par ailleurs, l’ensemble des œuvres est réalisé à partir du style propre de Maître Charles Alphonse Combes. La plupart d’entre elles sont « des bustes surmontés des yeux baissés réalisés à partir des canons de beauté des différentes régions des peuples ivoiriens ». Suite à de nombreux voyages à travers la Côte d’Ivoire, le sculpteur français, Charles Alphonse Combes a retenu de son commerce avec les populations ivoiriennes la notion de « respect », surtout « respect des valeurs et des institutions traditionnelles ». Ce qu’il va imposer à ses œuvres et à ses élèves.
Deux ouvrages emblématiques à visiter absolument
Cette sculpture a été réalisée par trois (3) élèves de Maître Charles A. Combes. Cette pièce a été dédiée aux victimes des deux conflits mondiaux. En 1962, Charles A. Combes a offert « Le Guerrier mourant »au Président Félix Houphouët-Boigny. De façon sporadique, les membres de la famille Houphouët viennent visiter ce monument.
Elle est la seule sculpture réalisée en main propre par Maître Charles A. Combes. Réalisée en pierre reconstituée (ciment), la pièce se veut évocatrice des souffrances voire des humiliations que les Noirs ont subi tout le long des siècles. A savoir la traite négrière, l’esclavage, la colonisation et le travail forcé.Malgré la protestation de ses élèves à propos du mot « nègre », Charles Alphonse Combes l’a maintenu pour marquer un pas important de l’histoire du Noir.
Auteur: Patrick Krou
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