Derrière l’accueil de la Syrie: une incohérence diplomatique

En mai 2025, Emmanuel Macron a reçu à Paris Ahmed al-Charaa, le nouveau président syrien, ancien chef du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) — longtemps classé comme terroriste par les Nations unies. Une rencontre présentée comme un geste vers la paix au Moyen-Orient, mais qui suscite des interrogations éthiques et diplomatiques profondes.
Une diplomatie sélective et incohérente
Depuis les coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la France a adopté une posture de refus: non-reconnaissance des régimes militaires, suspension des coopérations, et mise à distance de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Pourtant, lorsqu’il s’agit de dialoguer avec Ahmed al-Charaa, ex-dirigeant d’une organisation djihadiste impliquée dans des crimes contre les civils syriens, la France déroule le tapis rouge. Un deux poids, deux mesures qui interpelle. Pourquoi une telle souplesse ici, et une telle intransigeance là-bas ?
Un président encore sous interdiction de voyager
L’hypocrisie va plus loin: Ahmed al-Charaa est toujours, à l’heure actuelle, sous une interdiction de voyager imposée par plusieurs pays occidentaux, en raison de son passé à la tête de HTS. Sa venue à Paris, autorisée à titre exceptionnel par la diplomatie française, constitue une entorse aux engagements européens.
Selon France 24 (22 décembre 2024), l’Union européenne n’a pas levé les sanctions individuelles contre lui, et les procédures de normalisation restent en suspens [1].
Et les familles des victimes du Bataclan ?
Pour les proches des victimes du 13 novembre 2015, ce geste diplomatique sonne comme une gifle. Le groupe HTS, bien que dissocié d’Al-Qaïda depuis 2017, est né dans la même matrice idéologique que celle qui a nourri les attaques terroristes à Paris.
Accueillir son ancien chef sans aucune reconnaissance de cette mémoire, sans dialogue avec les familles, revient à banaliser la douleur, voire à l’effacer.
Dialogue ou compromission ?
Peut-on parler de paix quand celle-ci se construit sans justice ni mémoire ? Peut-on refuser tout dialogue avec les militaires africains en invoquant la démocratie, tout en accueillant un ex-islamiste au nom de la stabilité régionale ?
Ces contradictions minent la cohérence morale de la diplomatie française.
Lucarne critique: Quand la mémoire vacille, la justice chancelle
Il est des gestes qui, sous couvert de stratégie, trahissent les principes. En recevant Ahmed al-Charaa, la France oublie les larmes de ses propres enfants, et méprise la dignité des peuples africains.
Ce que l’on appelle ici “réalisme diplomatique” ressemble, vu d’Afrique, à une compromission.
Et pendant ce temps, les dirigeants africains issus de transitions militaires, certains très populaires dans leur pays, sont exclus sans appel du cercle des États “fréquentables”.
Ce deux poids, deux mesures révèle un mépris ancien, maquillé de principes.
Sagesse africaine: Quand la morale éclaire la diplomatie
« Dans la tradition africaine, la parole est sacrée. Et lorsqu’un homme a fait pleurer les mères, il ne peut être accueilli sans qu’on interroge les ancêtres. »
Amadou Hampâté Bâ, sage du Mali, aurait certainement élevé la voix.
Il aurait rappelé que la paix n’est jamais une marchandise. Elle se mérite à travers la reconnaissance des torts, le respect des morts, et la constance morale.
« Celui qui oublie ses morts insulte ses vivants. »
Et à la France, il aurait soufflé ceci:
« Vous avez tourné le dos à vos propres enfants tombés sous les balles du fanatisme, et vous refusez la main tendue de vos alliés d’Afrique. Que vaut votre parole si elle ne sait ni consoler, ni écouter, ni reconnaître ? »
À l’Afrique, il aurait dit:
« Quand les tambours des grandes puissances résonnent trop fort, c’est le moment d’écouter le silence de ses ancêtres. La souveraineté n’est pas un don. Elle se conquiert par la dignité. »
L’ouverture diplomatique avec la Syrie n’est pas en soi un mal. Mais la sélectivité morale, l’oubli des victimes du terrorisme, et l’ostracisation des pays africains révèlent un déséquilibre profond.
La France ne peut pas prétendre être le chantre des droits humains d’un côté, et l’alliée des opportunismes de l’autre. Il est temps de bâtir une diplomatie ancrée dans la vérité, la mémoire, et le respect réciproque.
Références:
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