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L’histoire des lagunes à Abidjan

Les lagunes constituent une des plus grandes richesses de la Côte d'Ivoire. Ce pays dispose du plus vaste réseau lagunaire d'Afrique.

Elles se concentrent sur 60% du littoral et occupent environ 1200 km2 sur près de 350 km.

Ce sont, d’est en ouest : Ehi, Tendo, Aby, Kodouobé, Ouladine, Potou, Adjin, Ono, Aghien, Ebrié, Makey, Tiagba, Brigna, Niouzoumou.

Les principales sont reliées entre elles par les canaux d’Assinie et d’Asagny, creusés dans les années 50, si bien qu’il est possible de voyager par voie lagunaire entre Assinie et quarante kilomètres environ à l’ouest de Grand-Lahou. La lagune ébrié est la plus importante ; elle part de Grand-Bassam à Toukouzon et baigne la majeure partie d’Abidjan. Il existe également quelques petites lagunes dont hébé entre Assinie et Grand-Bassam, katibo entre Fresco et Sassandra.

La zone lagunaire est un milieu écologique d’une fascinante diversité qui mérite d’être préservé. C’est un patrimoine unique et un atout indéniable pour le tourisme. Des lamantins, huitres, barracuda, silures et poissons divers cohabitent paisiblement parmi les palétuviers et flore aquatique variée.

Autour des lagunes, vivent plusieurs millions d’individus et des communautés culturellement variées dont les plus nombreux sont dans l’agglomération abidjanaise. Ces communautés s’adonnent à de nombreuses activités traditionnellement tournées vers l’océan et les lagunes.

Depuis la nuit des temps, les lagunes de l’actuelle Côte d’Ivoire ont été parcourues par des groupes de chasseurs, de pêcheurs ou de populations à la recherche de territoires ou de bonnes fortunes. Tandis que certains se sédentarisaient, d’autres survivaient de rapines et de razzia.

Les lagunes représentent une importante voie de migrations. Des contacts s’établissent à partir du XVI ème siècle entre européens et populations locales, dans le cadre de missions religieuses, d’abord, puis avec des motivations commerciales.

Des concessions territoriales entre océan et lagune sont accordées aux Blancs à partir du XVIIIe siècle. A la suite de traités avec les rois Anyi du Krindjabo et abouré de Moossou, des forts sont construits en 1842 à Assinie et à Bassam.

Dès le XIXè siècle, un commerce de factoreries se développe le long de la bande lagunaire, essentiellement à partir d’Assinie et de Bassam. Entre autres maisons de commerce dès 1861,le Rochelais Arthur Verdier y installe ses comptoirs. En 1853, un fort en maçonnerie est construit à Dabou sur les plans de Faidherbes. Ses canons sont tournés vers la lagune pour faire face au danger britannique. De 1887 à 1890, Marcel Treich Laplène,arrivé en 1883 comme commis de Verdier, jouera un rôle fondateur dans la création de l’entité ivoirienne actuelle.

En 1893, avec l’établissement de la colonie de Côte d’Ivoire sur la base des accords du congrès de Berlin, le commerce s’intensifie sur la côte. Les villages lagunaires prospèrent.ils deviennent d’importants relais commerciaux avec l’arrière-pays sillonné par les commerçants locaux. A la fin du XIXè siècle et au début du XXè siècle, des matériaux de construction sont importés sur la côte. Des constructions en béton armé sont élevées. Des tuiles mécaniques fabriquées dan la région de Marseille remplacent progressivement les couvertures végétales des toits.

Vers 1870,le anglais installés dans le forts de la Gold Coast voisine, notamment en pays nzima (baptisé apollonien par les européens qui débarquèrent là le jour de la Sainte Apolline),tentent de profiter du départ des garnisons des fortins de Grand Bassam, d’Assinie et de Dabou pour étendre vers l’ouest ce que l’on nommera en 1885 leur zone d’influence en direction du Libéria et de la Sierra Léone. Leur objectif avoué consiste à coloniser l’ensemble de la côte occidentale du Nigéria à la Sierra Leone et de l’utiliser comme point d’appui pour rattacher les territoires d’Afrique occidentale à leurs colonies d’Afrique orientale.

En 1880, ils proposent d’échanger la concession de Grand-Bassam, qui gène leur expansion coloniale, contre la Gambie. Arthur Verdier lancera une campagne pour empêcher cet échange. Des commerçants et des agitateurs à la solde du gouvernement anglais de Cape Coast commencent alors à infiltrer les populations d’Assinie et Grand Lahou et à les soulever contre les Français.

En 1890,les villes d’Assinie, Grand-Bassam, Dabou, Jacqueville et Grand-Lahou prospèrent. A la veille de la colonie ,à l’instar des taxes coloniales anglaises sur l’importation de marchandises européennes, le gouvernement français décide la création de taxes douanières y compris sur les importations françaises.Des postes sont crées sur la côte.Marcel treich Laplène,nommé premier administrateur colonial,s’en plaint en vain au ministère de la Marine chargé des colonies.

Cette pression douanière nouvelle apporte des arguments aux agitateurs envoyés par les Britanniques le long de la côte.Des revoltes éclatent à Grand Lahou et à Jacqueville.
En 1890,Treich Laplène intervient à Jacqueville et ,au terme de vaines négociations,bombarde le village.Il meurt quelque semaines après son retour de cette expédition.depuis les rives de la lagune,s’organisent toutes les explorations de la future Côte d’Ivoire.c’est toujours sur la lagune que se deplacent les capitales,Grand Bassam,Bingerville,Abidjan. Un vapeur transporte des passagers et le courrier de Bassam à Dabou.

L’ouverture du canal de Vridi reliant la lagune ndoupé (ou ébrié) à l’océan marque enfin le recentrement des activités économiques sur Abidjan et y attire une foule de travailleurs des pays mitoyens. A la veille de l’indépendance ivoirienne,en 1960,elle provoque un formidable bon en avant de la Côte d’Ivoire par rapport aux pays de la sous région. A sa hauteur,un important complexe portuaire,inauguré par le ministre Français François Mitterand ,donnera un essor nouveau à l’économie ivoirienne et aura des conséquences géo-politiques sur toute l’Afrique de l’Ouest.

Aujourd’hui,à l’ecart des remous et des turbulences de l’histoire,les jours se succèdent lentement le long de lagunes au multiples facettes.. dans la douceur du temps qui passe.

Assinie

En 1942,la ville coloniale d’Assinie,ses comptoirs,ses magasins et les restes du fort Joinville,disparaissaient,engloutis par l’océan. Un rélévé d’Amédée brétignère,le fondé de pouvoirs d’Arthur Verdier en montre la position,à la hauteur de la passe actuelle.

Au 15è siècle déjà,des marins dieppois fondent là,leurs premiers etablissements.Suivent les portugais qui s’établissent à Axim,Shama et Elmina,dans l’actuel Ghana.C’est sur cette bande de sable près de l’embourchure de la Bia entre l’océan et la lagune Aby qu’un 31 Juillet 1637 debarquent les premiers missionnaires,cinq capucins de St Malo.

Cinquante ans plus tard,en Novembre 1687,le chévalier d’Amon,dont les memoires sont une mine de renseignements sur « la Guynée et Issiny » arrive sur le voilier Le Jolly.Il est accompagné par le sieur Jean-Baptiste Ducasse.Ils sont reçus à Eboué Nyansou, « sur la pierre »,qui deviendra Aboisso,par le roi Zéna du Krindjabo.

Exemple d’incomprehension interculturelle,Aniaba,le prince qui dans la tradition matrilinéaire locale n’hérite rien de son royal géniteur,est envoyé en France. La cour l’accueille,le grand Bossuet le baptise.Le roi Louis XIV,son parrain,en fait le premier officier noir de l’histoire de France. Il profite des meilleurs précepteurs et commande un regiment de cavalerie. Le 18 Avril 1701,Aniaba repart de la Rochelle sur Aboisso.A son retour,trois mois plus tard,le fort Louis est construit à Assinie et Aniaba est rélégué au fond du village.

En Novembre 1702,une attaque batave est repoussée par la garnison du fort. En juillet 1703,fort Louis est abandonné et Assinie évacuée. 7 français se noient en passant la barre.
Le 04 juillet 1843,le retour des français se concrétise par des accords et la construction d’un fortin en bois,le fort Joinville.

En 1863,Arthur Verdier,un Rochelais,ex-officier de marine marchande depuis 1862 à Grand Bassam,installe une factorerie à Assinie. Ses bateaux sillonnent la lagune jusqu’à Dabou.En 1881,parallèlement à son commerce lagunaire,et avec l’appui d’Amatifou le roi de Krindjabo,il crée à Elima la première plantation de Côte d’Ivoire.Son commis,Amédée Brétignère,rapporte des plants de café du Libéria où Ernest Verdier,son frère,est consul de France.La première école française est ouverte en 1887 dans une plantation modèle.En 1883,commencela construction de la « Maison blanche » d’Elima.Il avait été prévu de la restaurer et d’y créer un musée du café et du cacao.

Après la chute provoquée de la société d’Arthur Verdier,la plantation connaitra plusieurs avatars.Elle deviendra finalement la Société des plantations d’Elima avant de s’assoupir définitivement dans les années 60.
La disparition d’Assinie, en 1942,lui donne une aura de mystère et de nostalgie.

Extrait de : ZORKOT, Nabil, lagunes de Côte d’Ivoire, d’Assinie à Sassandra, éditions Profoto, 2004, 127 P.

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