La patrilinéarité kô n’dè
Les kô n'dè sont un sous-groupe baoulé fondé à partir de Walèbo (Wa-lè-bo / sous l'arbre appelé walè en baoulè) en 1740, c'est-à-dire, après la mort de la reine Abla Pokou dans les années 1730 à Niamonou.
Niamonou est une possible déformation de nian n’mo gnlou ou de nanmouénou. Nian n’mo gnlou qui signifie littéralement veille sur la vieille, et nanmouénou qui veut dire campement en baoulé. Niamonou se trouve dans le Ndranoua.
Sa nièce Akoua Boni, qui lui succède, quitte Nian n’mo gnlou ou Nanmouénou selon le cas, pour s’installer à Sakassou. Le mot saka en baoulé signifie corps et sou, lieu. Sakassou signifie donc « lieu où a été inhumé le corps ou lieu de sépulture ». À la tête du royaume, la nouvelle souveraine décide de mener une politique d’expansion territoriale. Ainsi, Abla Akpô, frère et chef de guerre de la reine Abla Pokou, est mandaté pour étendre le territoire vers l’ouest en direction du fleuve Bandama.
Elle soumet des tribus gouro, wan, senoufo, malinké et en repousse d’autres. L’histoire raconte qu’elle aurait dit à Abla Akpô : « Kô n’dè bla n’dè », ce qui veut dire « Va vite et reviens vite ». De cette expression proviendra quelques décennies après le nom de la communauté fondée par Abla Akpô et ses hommes.
Après la conquête, ils s’installent sur le site de l’actuel Béoumi ou Be houn mi. Mot baoulé qui signifie littéralement « Ils me verront ou ils me trouveront». Cependant, le sens contextuel est « Ils me verront ou me trouveront sur leur chemin avant d’atteindre Walèbo », centre névralgique des baoulé ou vivait la reine. Béoumi faisait partie des nombreux villages de défenses créés autour de Walèbo et qui servaient de bouclier au royaume.
Les kô n’dè, installés sur le site de l’actuel Béoumi, vont créer le kô n’dè nvlé, c’est-à-dire le pays kô n’dè, en 1810, date à laquelle le sous-groupe devient autonome à l’égard de Walèbo. L’histoire particulière de ce sous-groupe baoulé aura une incidence sur son organisation sociale. À l’origine matrilinéaire comme tous les Baoulé, les kô n’dè vont passer à la filiation patrilinéaire dans laquelle l’enfant est membre du lignage ou du clan paternel.
Comment la matrilinéarité baoulé a pu se transformer en patrilinéarité chez les kô n’dè ? Selon certaines sources, ce chamboulement est dû au contact avec des groupes non Akan. Ce fut le cas avec les Gouro et les Wan, peuples qui n’avaient pas de liens socio-culturels avec les Baoulé.
Au cours de la conquête, Abla Akpô et ses hommes chassent les Gouro et les Wan. Ils font beaucoup de prisonniers, des femmes pour la plupart. Les guerriers ayant laissé leurs femmes dans le Walèbo, ils fondent de nouveaux foyers avec les femmes Gouro et Wan. En dehors du mariage, le contact fut d’ordre culturel. Il s’est traduit par des emprunts réciproques. Les exemples sont le doh, le djê, le goly, etc.
Or, l’on sait qu’une fois le territoire totalement soumis et sécurisé, certains guerriers sont retournés dans le Walèbo chercher femmes et enfants pour s’installer sur les terres conquises. L’influence des peuples assimilés ne serait donc pas suffisante pour expliquer ce bouleversement qui touche à un élément clé de l’organisation sociale de la société akan tel que le matrilignage.
La patrilinéarité kô n’dè est donc plutôt liée à des contraintes fonctionnelles et opérationnelles en rapport avec le mode d’expansion territoriale. Abla Akpô et ses hommes étaient tous des guerriers, c’est-à-dire des personnes qui pouvaient perdre la vie à tout instant sur les champs de bataille. Cette incertitude du lendemain les amenait à montrer à leurs enfants où étaient gardés leurs biens avant de partir conquérir de nouvelles terres. C’est ce mode de transmission des biens par défaut entre père et fils qui va, avec le temps, devenir une tradition et s’institutionnaliser.
LALEKOU Kouakou Laurent
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